Le 8 août 1887, le Dr William Wynn Wescott, médecin londonien versé dans l’occultisme et la franc-maçonnerie, reçoit par la poste un manuscrit chiffré, accompagné d’une lettre du révérend Adolphus Woodford, de la Société rosicrucienne d’Angleterre. Cet étrange document - aujourd’hui disparu - fait allusion aux «frères et sœurs du Temple de l’Aube d’or», dissidents souterrains de la Rose-Croix, tandis que, dans sa lettre, le révérend Woodford suggère d’entrer en relation avec une certaine sœur Sprengel, quelque part en Allemagne… La Golden Dawn vient de naître. En décembre, ses statuts plus que mystérieux sont créés par l’incessante correspondance entre le docteur Wescott et sa «sœur» d’Allemagne.
En cette fin d’année, toujours à Londres, la saison bat son plein. Au Théâtre du Lyceum, Henry Irving et Ellen Terry jouent Faust. Leur fidèle secrétaire est un bon géant roux, d’origine dublinoise, Bram Stoker. Ecrivain à ses heures, sa nature le porte vers les mystères de toutes sortes. C’est ainsi qu’il est devenu l’un des auditeurs assidus d’un conférencier hongrois, Arménius Vambery, professeur de langues orientales à l’université de Budapest et coqueluche de la reine Victoria. La plus récente causerie de Vambery portait sur l’existence d’un tyran walachien, le Voïvode Drakula (ou Vlad Drakul), réputé buveur de sang humain. Le tout-Londres ne parle bientôt plus que des vampires. Curieusement, cette légende transylvanienne trouve un écho dans la rumeur qui circule à propos du prince Jack, l’un des petits-fils de la reine. Atteint d’un mal nommé porphyrie, le pauvre garçon est contraint de s’abreuver de sang humain pour conjurer sa langueur chronique. Les récits se mélangent. Au foyer du Lyceum, chaque soir, Bram Stoker écoute avec attention ce qui se dit. Et, son imagination se met au travail. Il rend visite au professeur Vambery, le presse de questions. Et chaque nuit, il se rend sur les lieux de sa rêverie quotidienne, le somptueux cimetière de Highgate, situé sur une colline du nord de Londres. C’est là sans doute, au cours d’une de ses promenades solitaires, que l’idée surgit.
Il suffit d’un coup de pouce du destin : n’est-ce pas cette nuit-là que le fervent amateur de mystères devient le témoin d’une scène pour le moins fascinante ? La tombe du général Loftus s’orne d’une dalle de verre à travers laquelle les visiteurs du cimetière peuvent apercevoir le corps embaumé du célèbre militaire. Une lueur attire l’attention de Stoker. Il s’approche sans bruit du mausolée, son regard plonge vers le cercueil éclairé de deux candélabres et son sang se glace. Un mystérieux visiteur vêtu d’une cape sombre est penché sur le corps sans vie. Stoker prend peur, fuit. Jusqu’à l’aube, il jettera sur le papier les premières lignes d’un conte vampirique encore vague.
Les mois passent. C’est à Boscastle, en Cornouailles, un charmant port de pêche où il se rend pour quelques jours de repos, que le secrétaire du Lyceum va retrouver son obsession. Dans un pub, un marin lui raconte un événement qui a traumatisé la population. En avril, une soudaine tempête a obscurci le ciel. Le vent déchaîné a gonflé le flot paisible, transformant la baie de Boscastle en un théâtre d’épouvante. Et c’est alors qu’est apparue la silhouette insolite d’un navire sans nom qui, peu après, s’échoue dans le port. Plus tard, la population curieuse visite la nef fantôme. Car il n’y a personne à bord, seuls d’insolites sacs de terre. Le mystère est resté intact. Bram Stoker, menée par sa fameuse idée, fera de ce fait divers l’une des scènes-clés de la fiction qu’il porte en lui.
A quelque temps de là, Stoker,
Commentaires