Ce vendredi 16 octobre 2020, à proximité d’un collège de Conflans Sainte Honorine, a eu lieu un attentat sur la personne de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, assassiné pour avoir fait un cours sur la liberté d’expression. Cet assassinat a été renforcé d’un outrage au corps par décapitation, exposé publiquement sur l’internet. Par l’anéantissement de la vie et de l’intégrité corporelle de notre collègue, un message sanglant est adressé au corps enseignant, et, au-delà, au corps social tout entier. La terreur suscitée en chacun de nous vise à déclencher un mécanisme d’autocensure, fondé sur la peur individuelle. Il s’agit, par extension progressive, d’imposer une loi non républicaine à une nation laïque qui ne reconnaît pas de loi religieuse. L’attaque d’un professeur, responsable de la formation des jeunes générations, vise à accélérer ce processus pour l’étendre en totalité à notre société. Les philosophes des universités, par leur Coordination, appellent à résister à ce mécanisme d’intériorisation de la terreur, comme Samuel Paty en a montré l’exemple de son vivant. Nous exprimons notre solidarité envers tous nos collègues enseignants et envers toutes les personnes attaquées par les fous de Dieu, quels qu’ils soient. Aujourd’hui islamiste radicale, cette violence a traversé ou traverse encore d’autres confessions, et doit être combattue avec constance et égalité. Le fanatisme, que la philosophie a affronté au fil de son histoire, doit se voir opposer raison, discernement et courage. Les grandes déclarations et les cérémonies solennelles, malgré leur utilité cathartique, ne suffisent pas. Une réflexion profonde doit être engagée au sein de l’éducation nationale quant aux politiques qui l’ont régie depuis des décennies. L’attentat de ce vendredi a trouvé son impulsion dans la contestation abusive et mensongère d’un cours par des parents d’élèves, manifestant leur volonté d’immixtion dans l’activité professorale. Nous demandons instamment aux autorités publiques de faire le point sur les dérives à bas bruit qui ont permis d’aboutir à une telle atteinte. Depuis plusieurs décennies, l’implication des parents dans la vie des établissements scolaires s’est muée lentement mais sûrement en une remise en cause ouverte ou larvée de l’autorité du savoir et des professeurs, donnant lieu trop souvent à des violences verbales ou physiques envers les enseignants. Ce mouvement s’est pour l’instant arrêté à la porte des universités, sans qu’on puisse jurer qu’il n’y entrera jamais. C’est sur le savoir, sur son autorité paradoxale, étrangère au dogmatisme car mise méthodiquement à l’épreuve d’une autocritique rationnelle, que doit se fonder la pratique professorale, et sur rien d’autre. Il n’existe aucune autorité sacrée, aucun objet interdit. Les philosophes l’ont affirmé au cours de leur histoire, parfois au péril de leur vie, et ils ne cesseront de le réaffirmer, autant que nécessaire.
Des religions, dont le fait, central est évident, tant par l'Histoire que par notre présent, les confusions, involontaires ou volontaires, sur l'origine et le développement des différents sont et banales (audibles partout dans le "on dit"), mais également déterminantes des productions savantes, l'organisation d'études. L'une de ces confusions, sans doute la plus grave, consiste à identifier monothéisme et manichéisme, alors qu'il s'agit de courants... contraires ! Le premier postule l'existence d'une entité divine UNIQUE, absolument UNIQUE, sans puissance contraire, alors que le manichéisme postule, AU CONTRAIRE, l'existence de DEUX FORCES, opposées, contraires, en lutte. Un des manichéismes qui a réussi à se développer, le Christianisme, a connu un rapport complexe avec un véritable monothéisme : si, dans un premier temps, cette logique, le mono..., a dominé, le manichéisme, qui en était à la racine, a fini par revenir, dominé l'Eglise catholique, avec la longue période inquisitoriale, et, après sa disparition forcée, s'est maintenue, malgré tout - même si les pratiquants s'en sont éloignés. A notre époque, le maintien des dogmes, croyances, jugements, manichéens, dans l'Eglise, envers ces pratiquants et ce qui se trouve en dehors d'elle, a été tel, tellement puissant, à travers des condamnations (homosexualité, mariage pour tous, droit des femmes, etc), alors que se sont révélés des pratiques criminelles (la pédocriminalité) mettant en cause de milliers de clercs catholiques partout à travers le monde, que l'Eglise a connu et connaît encore un affaiblissement régulier. Il suffit de passer devant certaines églises dans des régions particulières, le dimanche matin, pour voir des églises, vides (dans d'autres régions, c'est différent). C'est ce qui a justifié le débat de cette émission "Interdit d'Interdire". Ce qui n'a pas été discuté dans cette émission, c'est le fait que le dépassement de cette situation, la sursomption au sens hégélien, c'est la possibilité d'une voie qui associe, associera, une pratique de foi à l'absence de clercs - autrement dit, "Dieu, sans religions". C'est également le dépassement du Protestantisme, par la radicalisation de sa logique. C'est ce que présente et explique cet ouvrage.
Dans cet ouvrage, Jean-Pierre Dupuy affirme, dès le premier chapitre, et à l'occasion de son expression publique, comme dans l'émission "Interdit d'interdire" déjà signalé ici, et dans cette conférence récente reproduite ci-dessous, que "(presque) tout le monde s'en fiche". C'est la première, mais pas la dernière, de ses affirmations, que nous devons contredire. Cet ouvrage, savant, est la démonstration, remarquable et terrible, qu'un travail fondé et sur une bonne volonté, et sur une somme impressionnante de connaissances, peut néanmoins "taper à côté" du sujet, du problème, en raison d'un certain nombre de postulats erronés et de perspectives essentielles ignorées ou occultées. Il faut donc dire que cette lecture, critique, de l'ouvrage, est fondée sur un véritable respect envers l'auteur. La faiblesse commune va à préférer les flatteurs, mais la raison sait que les véritables amis se disent "la vérité". Alors, pour commencer, non, "tout le monde ne s'en fiche pas", mais le "feu nucléaire" a été mis à distance des citoyens, par les, rares, Etats, qui en sont les prétendants "bons détenteurs". Le "secret" règne sur ce sujet, relativement. La diminution, régulière, du nombre et de la gravité des guerres, outre la bonne nouvelle qu'elle représente pour la majorité des civils sur cette planète, a pu les convaincre que la menace d'une confrontation militaire de très haut niveau, laquelle pourrait impliquer l'usage des armes nucléaires, se réduisait également, ou était nulle, en raison de la trop fameuse "dissuasion", mais il n'en reste pas moins que nombre de civils considèrent que l'EXISTENCE même de ces armes, en tant qu'épée de Damoclès sur leurs têtes, constitue ENCORE et DEFINITIVEMENT un scandale, un crime, avant même le crime, et qu'il fallait militer pour le désarmement. Enfin, dans le cadre des mobilisations dans le monde entier contre telle ou telle guerre, "en puissance ou en acte" pour reprendre des termes aristotéliciens, étaient également visés, implicitement ou explicitement, ces armes, ce risque. Une autre affirmation, "banale", et, précisément, en tant que telle, inattendue sous la plume d'un professeur de Philosophie qui est censé se méfier des on-dit qui circulent, c'est que, depuis l'apparition de cette arrme, "l'Humanité" s'est mise en situation de s'auto-détruire. Or, ce n'est pas "l'Humanité" qui s'est mise en situation, mais, dans des pays bien spécifiques, une MINORITE, intellectuelle, théorico-pratique, les savants et les politiques, lesquels ont posé le principe du fait qui est le droit : nous avons l'arme nucléaire, donc, nous l'incluons dans notre arsenal, et nous en faisons une force de "dissuasion", mais en fait, de menace. Donc, de ce point de vue, Jean-Pierre Dupuy a raison de dire que le non-usage, APRES NAGASAKI, de cette arme, jusqu'ici, ne repose pas sur une rationalité efficace et certaine, mais, un, sur de la chance, et il rappelle des situations où ces armes ont failli être utilisées "par erreur", deux, sur le fait qu'aucun conflit n'a atteint une telle intensité que, pour les militaires concernés, son usage passait de possible à nécessaire (la crise des missiles à Cuba étant l'exception qui confirme cette "règle", de fait). Mais ce non usage est l'Histoire même depuis HIROSHIMA et NAGASAKI. Donc, des humains ont osé se servir de ces armes, pour viser des cibles largement civiles... Il est parfaitement légitime de considérer que les victimes de ces deux explosions ont servi de cobayes "vivants" concernant la réalité de ce feu nucléaire, dans la mesure où les Etats-Unis pouvaient faire une démonstration, sans victimes, afin de convaincre le gouvernement japonais de cesser la guerre. Il est étonnant que, depuis ces deux explosions, aucun parallèle n'ait été fait entre les camps d'extermination nazis et ces deux explosions-exterminations. C'est que l'arme nucléaire est l'arme de l'être/néant, par lequel son prétendu usager en droit affirme la négation de l'Autre, ce qui constitue la définition simple et radicale du projet génocidaire nazi. On objectera superficiellement que les dirigeants des Etats-Unis n'avaient pas un tel projet génocidaire contre les Japonais, parce que l'on confond l'action avec l'intention. Or, sans avoir cette intention explicite, l'action même de l'explosion a fait disparaître des milliers de personnes, dans un gigantesque "four crématoire". Et si le gouvernement japonais n'avait pas cédé, est-ce à dire que les Etats-Unis auraient continué à bombarder le Japon avec de telles armes ? Et jusqu'où ? Il faut donc interroger cette cécité, depuis cette époque, notamment dans le monde des penseurs, mais évidemment, chez ces "décisionnaires" "en chef". Parce que, pour les civils, ils ont parfaitement compris le sens de la menace. Actuellement, quelques individus sur cette planète sont en capacité de perpétrer, sous des prétextes ou des motifs, fallacieux ou apparemment moins fallacieux, un crime contre l'Humanité, sur le simple fait de leur volonté. Si on peut se réjouir que, après Hitler, il n'y ait pas eu d'autres Hitler, il ne faut pas se focaliser sur le profit spécifique de ce "tueur en série", pour croire que seul ce profit peut conduire à de telles décisions/conséquences, d'autant que le seul humain qui ait jamais pris une telle décision ne fut pas Hitler (on sait qu'il l'aurait fait, si...), mais ce petit bonhomme, à l'allure anonyme, Harry Truman. Or, ce sont des chemins et des problèmes que cet essai ignore, d'autant que son propre titre est en contradiction avec son propos "La guerre qui ne peut pas avoir lieu", dans la mesure où le propos dépasse la problématique conflictuelle (guerre ou pas guerre), pour se concentrer sur l'existence de la puissance nucléaire militaire, son encadrement paradoxal par des "logiques" et des "raisons", qui dissimulent le désir criminel de la plus grande violence. Avec ces Etats-de-droit, "justifiés" par la "philosophie libérale", et dans lesquels, par exemple, le Français, un des principes fondamentaux du Droit est le fait que nul ne dispose d'un droit spécial qui justifie qu'il puisse causer, sauf motifs légitimes ou nécessaires, un préjudice à autrui, et, sinon, doit le réparer. Or ce sont de tels "Etats-de-droits" qui prétendent disposer d'un "droit exceptionnel", un droit de mort, sur toutes les vies de cette planète, au motif qu'ils ONT l'outil pour. Dans l'hypothèse d'un usage, l'hypothèse d'une possibilité de réparation est nulle. Donc, en soi, être en situation de pouvoir causer, que cela soit la conséquence d'une décision pesée, "justifiée", ou d'un accident, un tel préjudice est en soi un préjudice causé aux Droits Humains Universels, et doit donc être et attaqué et abandonné. Nous constatons que, à une époque où, en raison des dangers ET des destructions, sur et contre la vie terrestre, la "biodiversité", jusqu'à nous-mêmes, abîmés, empoisonnés, etc, par des "droits exceptionnels" que des entités, Etats ou entreprises, s'auto-attribuent, ce droit, génocidaire, de tuer, n'est pas, intellectuellement, cité, ciblé, remis en cause, principalement par les intellectuels capables de formuler les volontés universelles et les volontés populaires, et les luttes sociales contre ces dangers ET destructions ne les relient pas à ce "privilège" criminel. Pourtant, il serait cohérent qu'un mouvement pour le monde vivant soit aussi un mouvement pour la paix, pour le désarmement sous contrôle des populations. Le danger réside dans l'existence des Dangereux, de ce qui sont heureux d'être des Dangers : les Nihilistes (cf "l'Armée des 12 Singes"). De ces "Nihilistes" dont les premiers ont été les Gnostiques, créateurs de la matrice Manichéenne, nous avons traité la folie et les propos, dans une conférence, désormais publiée dans l'ouvrage "Dieu sans religions". Nous le répétons : les critiques exprimées ici sur les perspectives, les présupposés et les développements de ce livre n'induisent pas qu'il ne faut pas le lire, au contraire.
Dans ces pages du magazine «Pour la Science» de novembre 2018, les rédacteurs des deux premiers articles du dossier «Ce qui distingue Sapiens des autres animaux» sont deux professeurs d’Université, le premier, de biologie évolutive et du comportement, le second, de psychologie. Dans l’un et l’autre de ces textes, il s’agit de penser les capacités biologiques, vitales, en particulier, animales et humaines, placées dans un face à face, afin de comprendre les caractéristiques communes et les caractéristiques spécifiques. Pourquoi sommes-nous ce que nous sommes (identité) et pourquoi d’autres sont ce qu’ils sont en n’étant pas comme nous sommes (identité/différence) ? C’est pourquoi il y a une tension entre le fait que les auteurs, notamment le premier, parle de l’espèce humaine comme une espèce, donc, parfaitement comparable à d’autres, notamment les singes et les oiseaux, et en même temps, comme étant à part, ce qu’un courant de pensée mondial, notamment européen, occidental, a longtemps répété. Pour traduire, nous sommes donc des animaux, mais des animaux originaux, uniques, parce que nous avons développé des capacités spéciales, rares, puissantes. Pourquoi, comment ? Dans le premier texte, l’auteur insiste sur le rôle de l’imitation, en tant que loi de l’apprentissage, humain comme animal, mais sans insister ni développer sur la création du modèle, source de la reproduction par les autres. Car si «les exploits de l’humanité résultent de notre aptitude à acquérir des connaissances et des aptitudes d’autrui», encore faut-il que, «autrui» ait déjà développé des connaissances et des aptitudes à transmettre ! Et quand nous n’avons pas sous les yeux de modèle ou d’exemple, comment faisons-nous pour inventer une proposition pertinente ? Quand l’auteur du premier article pose que «être pourvus d’un gros cerveau, d’intelligence et du langage ne nous a pas amenés à la culture, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit», est-ce qu’il le démontre dans son article et comment il explique les conditions de possibilité de cette «culturaction» humaine ? La définition de la culture qu’il donne, «ensemble des comportements qui sont partagés par les membres d’une communauté et qui sont socialement transmis», est intéressante, mais c’est celle que Hegel donne déjà dès sa première œuvre, la Phénoménologie de l’Esprit, avec «la communauté éthique», éthique dans le sens grec du terme, ethos, les comportements. Avant d’en revenir à cette question culturelle, l’auteur donne dans la comparaison animaux/humains, et ce afin d’établir que, dans un premier temps, la loi de l’apprentissage, l’imitation, est omniprésente dans le champ du vivant, et singulièrement dans les espèces à gros cerveau, les espèces sociales. Un long développement est dédié à établir que l’enjeu de la sélection naturelle serait de favoriser l’apprentissage social qualitatif, pour bien copier, ce qui se distingue du fait de copier. Dans la foulée, l’auteur rappelle qu’un constat scientifique concernant ces espèces sociales, c’est le lien entre quantité et qualité, notamment dans le nombre social, la démographie : plus un groupe est constitué de membres, plus il y a, à priori, d’échanges entre ces membres, et plus ces échanges favorisent et imitation et… innovation. Au moins, on peut considérer que cet argument est heureux, dans la mesure où il permet de contredire toute logique malthusienne. Et pour le développement de notre espèce, de nos capacités et compétences, la variété alimentaire apparaît comme déterminante. Mais après avoir déterminé des conditions idéelles (cognitives, favorables à l’imitation, apprentissage), et matérielles (l’alimentation), on tourne en rond entre ce qui est premier et second, etc, entre l’entraînement culturel et la taille du cerveau, mais si on tourne en rond à ce stade, c’est que depuis le début de l’article, il en allait de même. Aussi, parce qu’il faut bien avancer, parce que l’Histoire est cette addition de moments, temps, où on passe d’un état connu à un état inconnu, par le cumul de nouveautés, l’auteur en vient à préciser que ce qui aura été déterminant dans notre Histoire, c’est que nous avons trouvé des moyens pour cumuler, accumuler, des informations, des données, des connaissances, par une transmission «précise». Et cette transmission précise porte un nom déterminant dans notre Histoire et notre présent : l’enseignement. Et la condition de possibilité de cet enseignement est le langage, ce qui transporte d’une conscience à une autre une somme d’informations. Parler a tout changé. Ecrire a tout changé. Ces conditions/moyens ont rendu possible une «coopération à grande échelle», avec des «interactions (…) au niveau d’un groupe entier.» A quoi aboutissons-nous ? «(…) les recherches sur l’évolution cognitive humaine nous dépeignent comme des êtres qui sont en partie le produit d’eux-mêmes» ! La conscience est… créatrice, «formatrice», puisqu’elle permet d’enseigner à d’autres, mais aussi de s’enseigner à soi-même, de faire des choix qui nous modifient. Hélas, pour expliquer cette possibilité et réalité de l’évolution individuelle comme collective, l’auteur utilise une représentation métaphorique, pour signifier un déjà-là, investi par nos ancêtres, «nos ancêtres investissaient constamment de nouvelles niches», alors que toute la question est de savoir si la «niche» investie par nos aptitudes mentales existait préalablement ou a été créé. La conclusion sur «notre capacité à penser, à apprendre et à contrôler notre environnement» qui «nous rend vraiment uniques et différents de tous les autres animaux» laisse rêveur, dans la mesure où cette affirmation aurait pu faire le commencement, et où nous ne sommes guère avancés dans la connaissance de soi s’il s’agit de poser que, pour expliquer la pensée, il faut savoir que nous pensons… La logique implicite de ce discours est idéaliste, dans la mesure où elle ne traite pas, concernant l’intelligence humaine, de ses limites, de sa lenteur, de ses échecs. Cet idéalisme/narcissisme s’exprime dès le début du premier article par le passage sur «l’impact de notre espèce est mondial : chefs d’oeuvre artistiques ou architecturaux», et ce, très curieusement, dans une époque où, précisément, l’impact humain est, enfin, évalué par les humains, principalement en tant que négativité(s), avec «l’affaire du siècle», le réchauffement planétaire/climatique, la serre anthropologique. Cet idéalisme/narcissisme se répète quand l’auteur évoque le cerveau humain, «chef d’orchestre d’une créativité sans limites et d’une culture généraliste», sans travailler le taux d’échec de ce «chef d’orchestre», apparemment plutôt élevé. Le second article prolonge celui-ci en apportant notamment deux perspectives majeures concernant notre divergence/différence avec le monde animal, à savoir que nos cognitions reposent sur une «capacité à élaborer mentalement des scénarios» et notre «propension à échanger nos pensées avec les autres». Or, si ces deux perspectives sont réelles, exactes, majeures, ce qui nous intéresse, c’est ce qu’un Kant aurait appelé «les conditions de possibilité» de cette capacité et de cette propension. Ce qui est intriguant comme fascinant dans ces deux textes, et notamment dans le premier, c’est la superbe ignorance avec laquelle la pensée philosophique, avec «l’oeuvre» platonicienne (les Dialogues, comme l’école, l’Académie), est ignorée, alors que celle-ci a déjà exprimé l’ensemble de ces éléments, principes. C’est en effet jusque là qu’il faudrait remonter, et pas seulement à ce Darwin et à sa symphonie inachevée. Dans cette praxis/oeuvre platonicienne, qui a changé irrémédiablement le cours de l’Histoire des peuples de l’Europe, la transmission faite ou à faire entre des savants/des compétents et leurs fils, leurs enfants, est un problème fondamental, si ce n’est le problème, à partir du constat de l’échec de la transmission «naturelle», du père au fils. Pourquoi le fils de Périclès n’est-il pas aussi génial que son père ? Cette praxis a pris corps dans des Dialogues (vous avez parlé de la communication avec autrui?), et dans la première école de l’Histoire humaine, l’Académie (vous avez parlé de l’enseignement, fondamental?). Dans l’un des Dialogues, Politeia, «la République», Platon fait exprimer par Socrate une alternative, un scénario extraordinaire, une «cité idéale», avec des gardiens, incorruptibles, et, de cette projection d’une absolue alternative, il en donne les motifs, les moyens, les avantages. Si, depuis 2500 ans, la praxis socratico-platonicienne a changé l’Histoire, en devenant une part structurelle et fondamentale du monde dans lequel nous vivons, comment comprendre l’ignorance et la surdité à l’égard de ce scénario alternatif, alors que nous ne cessons de buter sur des problèmes qu’il a déjà traité et auquel il a déjà apporté si ce n’est des solutions, à tout le moins des perspectives de solution ? ! Pourquoi faudrait-il qu’une partie de la science psycho-cognitive soit «condamnée» à … imiter ce que d’autres ont déjà dit, alors que nous avons tant besoin… d’avancer ? !
Alain Cauvet, jeune retraité de l'Education Nationale, est un passionné, depuis sa jeunesse, de la vie animale. Après plusieurs années de préparation, il publie depuis peu un essai tonique, engagé, où il met en cause un "biocide permanent ou la barbarie habituelle de l'homme". Si, il y a quelques années, un tel propos dans un tel ouvrage aurait reçu sa part de quolibets et un silence social, les choses ont changé - relativement. Autodidacte, le travail réalisé et publié est impressionnant. Il exprime, clairement, un radicalisme, dans la mesure où il vise et atteint jusqu'aux principes des problèmes. Comment l'humain a t-il pu, aussi longtemps, ne pas entendre la et les souffrances animales ? Comment n'a t-il pas vu qu'il détruisait des vies, sans que cela lui pose le moindre problème ? Cette déshumanisation a reposé sur une désincarnation - de soi et des animaux. Qui/quoi a été le plus déterminant dans cette désincarnation par laquelle les corps/chairs étaient réputés être "mauvais" ? Oui, vous pouvez tourner le regard vers...
Animal-objet, animal-pantin, animal de consommation, animal de rente, de laboratoire, de course, de chasse, de jeux…, la panoplie de l’utilisation de l’animal est pléthore.L’horreur fait souvent partie de son quotidien avec son oppresseur à ses côtés ou par procuration. Le dessein de l’animal est tracé puisque à la merci de cet être humain qui n’a aucun ou si peu d’égard pour lui. Le sceau de l’esclavage l’a marqué à jamais. L’animal est chosifié avec toute la brutalité, toute la violence des humains qui l’asservissent jusqu’à aujourd’hui. Le vol planifié de la vie demeure une norme qu’il ne faut surtout pas remettre en question. L’homme ne peut laisser l’animal tranquille. Pour lui, c’est un postulat, une obsession. Il doit l’utiliser, le poursuivre, le harceler, l’attraper, l’emprisonner, le chasser, l’user, le torturer, le tourmenter, le tuer. Aucune considération n’est à attendre de cet humain qui, bien souvent, ne respecte même pas ses propres congénères. Rares dans l’histoire, sont les exemples de groupes humains ayant prôné et concrétisé le respect total envers l’animal. Néanmoins, s’ils existent, certes en nombre limité, cela prouve que cela reste possible. Alors, quand l’homme décillera-t-il enfin ses yeux en ce siècle dit de progrès ? En saisissant les possibilités d’un animal quel qu’il soit et, en acceptant qu’il ne soit plus sa propriété, pourquoi l’homme ne s’ouvrirait-il pas au Respect. Celui de la vie, de sa splendeur ! Ce serait aussi une ode à son ennoblissement. Ainsi, les sociétés, se tournant vers l’animal avec probité au lieu de l’abâtardir, de l’accaparer, de le rabaisser, de l’exploiter pourraient sans doute, être différentes car davantage empreintes de calme, de paix, de mansuétude, de sérénité, de bonté à condition de le voir, de l’entendre et de le traiter d’égal à égal en dehors des pratiques exercées depuis la nuit des temps. Reconnaître l’animal pour marcher sur les chemins de la fraternité humaine, chimère ?
La banalité du mal est aujourd’hui un poncif. Pourquoi l’expression a-t-elle perdu sa force ?
BC : Aujourd’hui, on comprend l’expression comme une manière de dire : «Le
mal est la chose la mieux partagée.» Ou encore, variante légèrement
plus juste mais insuffisante : «Nul n’a besoin d’être diabolique pour
commettre le pire.» Si bien que l’expression paraît à tort convenir à
tout criminel et l’absoudre. Or, Hannah Arendt n’arrive pas toute armée à
Jérusalem avec son concept. Margarethe von Trotta montre avec raison
qu’il surgit de la vie. Il naît d’un étonnement : «Cet homme ne s’exprime que par clichés.»
La banalité du mal, c’est en premier lieu cela : l’impossibilité de
s’exprimer dans une langue vivante. La retranscription de la conférence
de Wannsee du 20 janvier 1942, à laquelle participe Eichmann, est très
impressionnante. Alors que la décision de «la Solution finale à la question juive» y est prise, il n’y a rien. On est face à une succession de banalités, problem solving
entre gens bien élevés. En deux heures, toutes les difficultés
techniques et administratives que posent les camps d’extermination sont
pliées. Et c’est cela que dit Hannah Arendt et qui a été si mal compris :
le mal est d’abord dans l’art de signifier le pire, de manière à ce
qu’il ne dérange même pas les locuteurs. Ainsi en est-il du terme
«Solution finale», euphémisme pour qualifier l’éradication des juifs."
De la décision, énoncée dans un langage technocratique, technique, aseptisé, à sa mise en oeuvre, à la gestion sourcilleuse de la circulation des trains par Eichmann, qui, lui, connaît la "destination" de ces trains, les lieux-de-morts pour des êtres humains entassés comme des animaux dans des wagons dits "à bestiaux", à la décision de "l'austérité", gestion nationale et transnationale des fonds publics, gestion allemande et par extension des autres pays de l'Europe, après sa validation par les autres dirigeants européens, la commission européenne, il y a : le même langage qui face à un "problème", deshumanisé par ce langage même, se voit opposer une "solution", et il y a pour les responsables de cette "politique", la même distance qui leur interdit de voir en chair et en os les victimes de leur(s) Décision(s). La "crise" est bien la cause-effet de leur Décision, décision-crise, que nous devrions appeler "décrision". Eichmann savait qu'il participait à une organisation criminelle. Mme Merkel fait semblant de ne pas le savoir. Elle a "bonne conscience". Les résultats "allemands", dit-elle, lui donnent raison. L'état du budget fédéral, excédentaire, est là. Mais c'est un résultat facile, et un résultat d'autant plus facile et trompeur qu'il est fait au détriment des millions de citoyens allemands qui subissent cette politique, qui vivent avec une somme mensuelle comprise entre 300 et 800 euros, et dont le nombre n'a cessé de grandir. Le précariat allemand a cru de manière exponentielle. Et comme Mme Merkel mène une politique nationaliste, dans la mesure où seuls les intérêts de l'Allemagne l'intéressent, elle prétend ne rien savoir des victimes dans toute l'Europe de SA politique, acceptée et validée par des dirigeants européens aveugles et sourds. Il paraît que le Parti Socialiste français se réveille de son sommeil dogmatique sur cette instrumentalisation par Mme Merkel et de ses amis de "l'amitié franco-allemande". Il faut s'en réjouir.
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