L'excellente revue en ligne Far Ouest a adressé aux personnes inscrites dans sa liste de contacts ce message : "Les Français ne retrouveront pas avant longtemps leur vie d'avant." Cette phrase tourne en boucle dans ma tête. À quoi le monde ressemblera-t-il à partir du 11 mai ? Certains de mes proches l’imaginent comme le début de l’effondrement ; d’autres me promettent une Révolution; certains me vendent un futur ultra libéral comme la seule solution à l’avenir. Et vous ? Je m’interroge, coincée dans le salon de mon HLM : comment votre confinement se passe-t-il ? Mais, surtout, comment imaginez-vous la suite ? Faites-vous partie des optimistes ou des défaitistes ? Pensez-vous que nous vivons un moment charnière de l’histoire de nos sociétés ou juste une virgule un peu aberrante ? Tant que nous sommes dans nos salons, tout est possible pour le 11 mai. Nous avons envie de conserver un instantané de ce temps suspendu. Pour les jours qu’il reste de confinement, Revue Far Ouest lance un appel à témoignages : de l’analyse économique et sanitaire la plus logique à la théorie du complot la plus folle, racontez-nous le futurpost-confinement."
Avant de répondre à cette question, il faut être clair sur ce qui s'est passé : des millions d'humains, habitués à la facilité, normalité, positivité, de leurs mouvements, de leur proximité entre eux, de l'usage de ces mouvements et de cette proximité, pour, travailler, se rencontrer, ont été sommés par des autorités médicales, scientifiques, et surtout, par des Etats, de rester chez eux, pendant que d'autres assuraient, assurent, l'ensemble des productions et des services pour lesquels aucun arrêt n'est possible. Il faut donc le dire : un, le confinement n'est pas un choix des personnes, mais de quelques personnes (et des pays ont décidé de ne pas le faire ou ne pas le faire comme nous), deux, il n'a été possible que parce que d'autres n'ont pas été confinés (là encore, d'autres pays, rares, ont agi différemment, comme la Nouvelle-Zélande, qui a engagé le confinement le plus radical). Quand des millions d'êtres vivants sont obligés de ne pas réaliser les mouvements dont ils ont l'habitude, les espaces, urbains, autres, sont quasi désertés, et, physiquement, parce que logiquement, les animaux qui vivent dans ces espaces ou à proximité, eux, y circulent plus facilement, tranquillement. Enfin, le confinement s'est dédoublé, avec des milliers de personnes, hospitalisées, soignées, et pour quelques milliers, ce confinement a signifié la fin de la vie. La mortalité est l'une des plus importantes lois, biologiques, humaines. Le Sars-Cov2 est venu s'ajouter à la longue liste des facteurs biologiques qui accélèrent un processus mortel. Pour que les personnes contraintes de ne pas circuler puissent continuer à vivre, il a donc fallu, outre requérir le travail, surchargé, de plusieurs secteurs, qui, par comparaison avec l'ensemble des secteurs à l'arrêt, sont apparus pour ce qu'ils sont, constamment essentiels, mettre en place une autre continuité, la continuité financière, afin que ces secteurs à l'arrêt ne connaissent pas, ni maintenant ni tout de suite après la sortie du confinement, un autre arrêt, la "faillite". Les Etats qui ont pris les décisions de confinement ont donc également pris d'autres décisions pour cette continuité, qui devenait, était, de leur responsabilité. L'après confinement, outre le retour à tous, ou presque, les mouvements antérieurs, verra donc et la fin de ces processus, procédés, et des conséquences de ceux-ci et de leur fin.
Pour que l'après confinement voit apparaître des "changements", et surtout des changements positifs, pour toutes et tous, il faut, un bilan, exact, des causes, des problèmes, de cette période, mais il faudra aussi des volontés suffisantes. Afin d'éviter d'étirer artificiellement ce texte en longueur, voici une liste de ces causes, problèmes, perspectives :
Des vivants (humains) au Vivant : de nouveaux rapports, de respect, de connaissance, de distance (par exemple, il faudrait pouvoir déterminer des espaces interdits à tous les êtres humains). Ce que des individus et des organisations, concernés par le Vivant ou une forme de vie, plusieurs, ont pu dire, mettre en avant, devrait être plus entendu, intégré. C'est un autre rapport à l'espace terrestre qui est en jeu, qui pourrait être qualifié de rapport "décolonial".
La production, la diffusion et la perception des connaissances scientifiques : le relativisme, notamment inspiré par des croyances religieuses, est désormais laminé, mais une sous-culture scientifique est un problème collectif, politique (Education, médias, librairies, sont concernés par ces évolutions nécessaires)
les moyens financiers pour la recherche et pour les systèmes nationaux de santé/moyens pour l'armement militaire
un travail scientifique essentiel sur le système immunitaire humain, son renforcement/système immunitaire des chauve-souris
la nécessité d'analyses et de planifications à long terme
certains Etats semblent à la croisée des chemins, entre une voie de plus en plus autoritaire, répressive, et une autre voie : la voie de la "force" est une voie de faiblesse, il s'agit de mettre en place une "immunité collective" contre ces dangers
les conditions de production et de diffusion des médias, des spectacles : des médias, avec, par exemple, la limitation des pratiques de propagande (ne pas oublier la séquence anti-pro-Raoult), l'association entre les professionnels et les lecteurs; une offre numérique pour assister à des spectacles en direct
une conférence mondiale post-crise, dans laquelle les citoyens seraient aussi présents, représentés, que les Etats, et une conférence d'une durée suffisante pour qu'il y ait des débats sérieux, des décisions importantes
quelle "politique-de-la-vie" ? Citoyens, penseurs, etc, devront travailler cette question, lui apporter des réponses sérieuses - ou pas (des notes publiées sur ce blog ont déjà traités de ce sujet et de différentes perspectives qui le concernent).
Un média culturel national a publié, sur son réseau social, un article concernant la situation actuelle, afin d'évoquer celle, particulière, de l'Allemagne, et, à l'occasion, énoncer un nouvel éloge de la "Sainte Famille" germanique, avec laquelle, une fois de plus, moyens et résultats seraient, par comparaison, meilleurs que ceux de a France, et dont une part reviendrait aux compétences et aux choix de la Chancelière en poste. Comme il va de soi sur un réseau social, des commentaires se sont multipliés, et un énième choeur "français" pour chanter "le génie de l'Allemagne" s'organisa et entonna l'Hymne ! Comme on sait, les membres d'une chorale sont si heureux de chanter que celui qui ose parler en même temps, pour, en plus, exprimer un avis sensiblement différent, pour tempérer cet enthousiaste, voit sur lui regards courroucés et des vitupérations tombées, résumées par un : vous êtes un germanophobe ! Autant dire que si vous n'êtes pas aussi et comme eux, germanophile, vous êtes donc... phobe. Comme si, entre l'extrême "philie", aveugle, et l'extrême phobie, imbécile, il n'y avait pas bien plus de 50 nuances. Il faut dire que, comme quelques auteurs l'ont remarqué, qu'il s'agisse de notre temps présent ou d'une époque antérieure, il y a, dans ce pays, un culte à la Germanie, une manie de la Germanie, qui serait un "modèle", qu'il faudrait suivre, imiter, impérieusement, pour être aussi impériaux que nos cousins le sont devenus. De l'Empire "napoléonien", français, nous serions passés à un "Empire" allemand, sur l'Europe, qu'il faudrait saluer, accompagner, auquel il faudrait contribuer, auquel il faudrait... collaborer. Comme l'Empire napoléonien était contraire et à "la Déclaration des Droits de l'Homme", au respect des peuples et des personnes ET aux intérêts français (le retour de bâton de l'aventure impérialiste aura été une longue nuit monarchique/autocratique, jusqu'en 1871, prolongée par une III République qui en prolongera la volonté), la puissance allemande, actuelle, en Europe, via l'UE, est un nouvel "impérium" problématique, d'autant que, comme tous ceux du passé, ce qu'il met en valeur et ce qui le met en valeur dissimulent des problèmes graves. En être conscient, les évoquer, en parler, les analyser, les critiquer, n'induit en rien une hostilité ou une haine envers l'Allemagne. Sinon, celles et ceux qui ont pu résister dans le passé à un autre projet impérial allemand auraient pu être aussi traités de "germanophobes", mais pour cela, encore eut-il fallu que les acteurs, les chantres, allemands, de ce nouveau projet soient à eux seuls l'Allemagne, alors que nous pouvons penser qu'ils en furent, au contraire, une négation. Mesurer, exactement, ce que fut, ce qu'est, cette Histoire, de l'Allemagne, c'est donc un impératif catégorique de cette conscience qui doit savoir, ce qu'il en est, et non se raconter des chansons. Est-ce que la gestion, en Allemagne, de la crise, dite du Covid-19, est, bien meilleure que celle de la France, supérieure, voire parfaite ? Ou s'il y a des réussites, y a t-il des échecs et des difficultés ? Quel est le système national allemand, concernant la prise en charge des personnes souffrantes, malades ? Et ce souci gouvernemental allemand pour les personnes malades, souffrantes, est-il le marqueur d'une politique générale philanthropique ? D'un côté, nous entendons les chants/voix de ces idéologues de "Deutschland Uber Alles", comme ici, et ici, nous pouvons lire le témoignage très critique d'un médecin allemand. Ici, un contributeur de Médiapart écrit : "Pourtant un petit hebdomadaire Berlinois « Der Freitag » qui comme son nom l’indique parait le vendredi, publie sur son site en ligne, ces derniers jours, des articles qui ne décrivent pas un système de santé en très bonne forme. Lé dérégulation néolibérale depuis 30 ans du système de santé, soumis aussi à une version de tarification à l’acte et à des restrictions budgétaires, à eu pour conséquences la faillite de nombreux hôpitaux communaux, rachetés par de puissants groupes privés, si bien que la part des cliniques à but lucratif est passé en 25 ans de 15 à 30 pour cent et plus de l’ensemble du système hospitalier. De plus, le système d’assurance sociale et de santé Allemand est binaire. Il y a d’un côté le régime général pour la grande majorité des Allemands (Allgemeine Krankenkasse) et un système privé (Privat Patient) donnant à ses affiliés (Professions libérales et CSP+++) une priorité dans l’accès aux meilleurs soins et dans le plus grand confort." Donc, les dirigeants allemands auraient clairement fait le choix de l'inégalité : un hôpital public low-cost, et des hôpitaux privés, qui assurent une médecine de haut niveau, mais pour une minorité. Une fois de plus, on comprend pourquoi quelques Français "germanophiles" ont tant de facilité à déclarer leur flamme à cette Allemagne. Nous, comme dans le passé, c'est une autre Allemagne que nous aimons, d'autres Allemands que nous aimons. On n'est pas germanophobe parce que nous n'aimons pas l'Allemagne de Mme Merkel et consorts, on est germanophile parce que nous ne nous laissons pas et ne laisserons pas imposer que cette Allemagne de Mme Merkel et consorts soit, à nos yeux et pour le reste du monde, toute l'Allemagne, parce que nous savons que nous pouvons attendre, d'un pays où il y a tant d'entendements brillants, une autre, politique, d'autres choix.
Dans "Le Silence de La Mer", le monologue de l'officier allemand, apparemment "francophile", reste un monologue - les Français qui l'écoutent ne lui répondent pas. Aujourd'hui, nous pourrions faire la liste de ce que, dans l'Histoire, la culture, allemandes, nous aimons, nous lisons, nous écoutons, nous respectons. Mais, à aucun moment, nous ne confondrons un penseur de langue allemande, comme Einstein, avec un chancelier/une chancelière, dont les principes et les choix politiques ne sont pas admirables. Le premier aura toujours nos applaudissements, les seconds auront toujours nos critiques.
On le sait : "on" dit que les Français sont "cartésiens". L'air de rien, ainsi, 66 millions de personnes se voient caractériser par, une réflexion, une "logique", au point d'être méthodique, une volonté de penser, de résoudre des problèmes, etc. Mais, comme le texte ci-dessous (2ème partie du "Discours de la Méthode"), ce serait formidable que les Français soient cartésiens, mais non. Evidemment, ils peuvent le devenir. Comment ? Dans cette partie du Discours, Descartes valorise le principe de la planification, par la construction d'une cité, dont les rues, les habitats, sont déterminés par un "plan", unique. Est-ce que les Français "planifient" ? La "crise" actuelle a démontré qu'il n'en est rien - puisque ce qui existait au niveau étatique sous la dénomination du "commissariat au plan" a officiellement et largement disparu. Il répète cette valorisation dans le principe d'une constitution, fondée par un "prudent législateur". Qu'en est-il de notre "constitution" ? Nous laissons lecteurs et lectrices procéder à leur propre évaluation. Si Descartes préfère se réformer que réformer, il affirme l'extrême importance et de réformer un Etat, "en y changeant tout depuis les fondements et en le renversant pour le redresser", mais aussi de réformer le corps des sciences, ou l’ordre établi dans les écoles pour les enseigner", ce qui, par ce que cela dépasse ses forces et les forces sociales dans la France de son temps, doit donc être renvoyé à plus tard. Mais comment en venir à de telles réformes si essentielles si nous ne commençons par celle qui est à notre portée ? : nos principes et nos productions mentales, habituelles, fondamentales, quotidiennes. Or, comment faut-il procéder selon lui, pour CHANGER ? "Le premier étoit de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenteroit si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute.". Au moment où ces lignes sont écrites, des affirmations circulent sur les réseaux sociaux, concernant le virus #SarsCov2. Certains les affirment, comme des "vérités révélées". Ils ont accès à des "secrets". Peuvent-ils démontrer ce qu'ils affirment ? Non. Si nous reprenons à notre compte ce genre d'affirmations, nous recevons quelque chose pour vraie que nous ne connaissons pas comme telle. Concernant un tel sujet, Descartes fait valoir une méthode analytique et globale : Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerois, en autant de parcelles qu’il se pourroit, et qu’il seroit requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connoître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connoissance des plus composés, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.". On le voit : la pensée cartésienne est absolument exigeante. Les Français sont-ils cartésiens ? Leurs pratiques répondent par elles-mêmes. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Ce n'est pas parce que ce cartésianisme est censé exister depuis près de 500 ans qu'il faudrait y renoncer, d'autant que cette "existence" de cette pensée est restée largement virtuelle : célébrée, mais non appliquée. Par exemple, bien que les citoyens expriment une large défiance envers les médias, il y a encore une tout aussi large crédulité à l'égard de ce que l'on appréhende avec objectivité et neutralité, "l'information", alors que nombre de ce qui est diffusé dans ce champ en tant que telle, "l'information", est souvent un mélange de vrai et de faux, partiel et partial, etc. Il ne s'agit pas, par une mauvaise logique, de considérer que TOUT ce qui se diffuse dans ce champ est, à priori, faux, mais qu'il y a tant de faussetés, dans l'histoire de ces médias et au présent, que, comme Descartes le constate logiquement, il n'est pas pertinent de maintenir une confiance à ce qui m'a déjà trompé. Mais il s'agit de considérer que la part de faux, de faussetés, est tellement importante qu'il est donc absolument nécessaire d'exercer une vigilance permanente. Et avant même d'être vigilant envers ce qui vient de l'extérieur, il faut commencer impérativement par soi-même, puisque, là, tout dépend de nous.
J’étois alors en Allemagne, où l’occasion des guerres qui n’y sont pas encore finies m’avoit appelé ; et comme je retournois du couronnement de l’empereur vers l’armée, le commencement de l’hiver m’arrêta en un quartier où, ne trouvant aucune conversation qui me divertît, et n’ayant d’ailleurs, par bonheur, aucuns soins ni passions qui me troublassent, je demeurois tout le jour enfermé seul dans un poêle, où j’avois tout le loisir de m’entretenir de mes pensées. Entre lesquelles l’une des premières fut que je m’avisai de considérer que souvent il n’y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et faits de la main de divers maîtres, qu’en ceux auxquels un seul a travaillé. Ainsi voit-on que les bâtiments qu’un seul architecte a entrepris et achevés ont coutume d’être plus beaux et mieux ordonnés que ceux que plusieurs ont tâché de raccommoder, en faisant servir de vieilles murailles qui avoient été bâties à d’autres fins. Ainsi ces anciennes cités qui, n’ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues par succession de temps de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu’un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine, qu’encore que, considérant leurs édifices chacun à part, on y trouve souvent autant ou plus d’art qu’en ceux des autres, toutefois, à voir comme ils sont arrangés, ici un grand, là un petit, et comme ils rendent les rues courbées et inégales, on diroit que c’est plutôt la fortune que la volonté de quelques hommes usants de raison, qui les a ainsi disposés. Et si on considère qu’il y a eu néanmoins de tout temps quelques officiers qui ont eu charge de prendre garde aux bâtiments des particuliers, pour les faire servir à l’ornement du public, on connoîtra bien qu’il est malaisé, en ne travaillant que sur les ouvrages d’autrui, de faire des choses fort accomplies. Ainsi je m’imaginai que les peuples qui, ayant été autrefois demi-sauvages, et ne s’étant civilisés que peu à peu, n’ont fait leurs lois qu’à mesure que l’incommodité des crimes et des querelles les y a contraints, ne sauroient être si bien policés que ceux qui, dès le commencement qu’ils se sont assemblés, ont observé les constitutions de quelque prudent législateur. Comme il est bien certain que l’état de la vraie religion, dont Dieu seul a fait les ordonnances, doit être incomparablement mieux réglé que tous les autres. Et, pour parler des choses humaines, je crois que si Sparte a été autrefois très florissante, ce n’a pas été à cause de la bonté de chacune de ses lois en particulier, vu que plusieurs étoient fort étranges, et même contraires aux bonnes mœurs ; mais à cause que, n’ayant été inventées que par un seul, elles tendoient toutes à même fin. Et ainsi je pensai que les sciences des livres, au moins celles dont les raisons ne sont que probables, et qui n’ont aucunes démonstrations, s’étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent. Et ainsi encore je pensai que pour ce que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes, et qu’il nous a fallu long-temps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étoient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseilloient peut-être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs ni si solides qu’ils auroient été si nous avions eu l’usage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous n’eussions jamais été conduits que par elle.
Il est vrai que nous ne voyons point qu’on jette par terre toutes les maisons d’une ville pour le seul dessein de les refaire d’autre façon et d’en rendre les rues plus belles ; mais on voit bien que plusieurs font abattre les leurs, pour les rebâtir, et que même quelquefois ils y sont contraints, quand elles sont en danger de tomber d’elles-mêmes, et que les fondements n’en sont pas bien fermes. À l’exemple de quoi je me persuadai qu’il n’y auroit véritablement point d’apparence qu’un particulier fît dessein de réformer un état, en y changeant tout dès les fondements, et en le renversant pour le redresser ; ni même aussi de réformer le corps des sciences, ou l’ordre établi dans les écoles pour les enseigner : mais que, pour toutes les opinions que j’avois reçues jusques alors en ma créance, je ne pouvois mieux faire que d’entreprendre une bonne fois de les en ôter, afin d’y en remettre par après ou d’autres meilleures, ou bien les mêmes lorsque je les aurois ajustées au niveau de la raison. Et je crus fermement que par ce moyen je réussirois à conduire ma vie beaucoup mieux que si je ne bâtissois que sur de vieux fondements, et que je ne m’appuyasse que sur les principes que je m’étois laissé persuader en ma jeunesse, sans avoir jamais examiné s’ils étoient vrais. Car, bien que je remarquasse en ceci diverses difficultés, elles n’étoient point toutefois sans remède, ni comparables à celles qui se trouvent en la réformation des moindres choses qui touchent le public. Ces grands corps sont trop malaisés à relever étant abattus, ou même à retenir étant ébranlés, et leurs chutes ne peuvent être que très rudes. Puis, pour leurs imperfections, s’ils en ont, comme la seule diversité qui est entre eux suffit pour assurer que plusieurs en ont, l’usage les a sans doute fort adoucies, et même il en a évité ou corrigé insensiblement quantité, auxquelles on ne pourroit si bien pourvoir par prudence ; et enfin elles sont quasi toujours plus supportables que ne seroit leur changement ; en même façon que les grands chemins, qui tournoient entre des montagnes, deviennent peu à peu si unis et si commodes, à force d’être fréquentés, qu’il est beaucoup meilleur de les suivre, que d’entreprendre d’aller plus droit, en grimpant au-dessus des rochers et descendant jusques aux bas des précipices.
C’est pourquoi je ne saurois aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n’étant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d’y faire toujours en idée quelque nouvelle réformation ; et si je pensois qu’il y eût la moindre chose en cet écrit par laquelle on me pût soupçonner de cette folie, je serois très marri de souffrir qu’il fût publié. Jamais mon dessein ne s’est étendu plus avant que de tâcher à réformer mes propres pensées, et de bâtir dans un fonds qui est tout à moi. Que si mon ouvrage m’ayant assez plu, je vous en fais voir ici le modèle, ce n’est pas, pour cela, que je veuille conseiller à personne de l’imiter. Ceux que Dieu a mieux partagés de ses grâces auront peut-être des desseins plus relevés ; mais je crains bien que celui-ci ne soit déjà que trop hardi pour plusieurs. La seule résolution de se défaire de toutes les opinions qu’on a reçues auparavant en sa créance n’est pas un exemple que chacun doive suivre. Et le monde n’est quasi composé que de deux sortes d’esprits auxquels il ne convient aucunement : à savoir de ceux qui, se croyant plus habiles qu’ils ne sont, ne se peuvent empêcher de précipiter leurs jugements, ni avoir assez de patience pour conduire par ordre toutes leurs pensées, d’où vient que, s’ils avoient une fois pris la liberté de douter des principes qu’ils ont reçus, et de s’écarter du chemin commun, jamais ils ne pourroient tenir le sentier qu’il faut prendre pour aller plus droit, et demeureroient égarés toute leur vie ; puis de ceux qui, ayant assez de raison ou de modestie pour juger qu’ils sont moins capables de distinguer le vrai d’avec le faux que quelques autres par lesquels ils peuvent être instruits, doivent bien plutôt se contenter de suivre les opinions de ces autres, qu’en chercher eux-mêmes de meilleures.
Et pour moi j’aurois été sans doute du nombre de ces derniers, si je n’avois jamais eu qu’un seul maître, ou que je n’eusse point su les différences qui ont été de tout temps entre les opinions des plus doctes. Mais ayant appris dès le collége qu’on ne sauroit rien imaginer de si étranger et si peu croyable, qu’il n’ait été dit par quelqu’un des philosophes ; et depuis, en voyageant, ayant reconnu que tous ceux qui ont des sentiments fort contraires aux nôtres ne sont pas pour cela barbares ni sauvages, mais que plusieurs usent autant ou plus que nous de raison ; et ayant considéré combien un même homme, avec son même esprit, étant nourri dès son enfance entre des Français ou des Allemands, devient différent de ce qu’il seroit s’il avoit toujours vécu entre des Chinois ou des cannibales, et comment, jusques aux modes de nos habits, la même chose qui nous a plu il y a dix ans, et qui nous plaira peut-être encore avant dix ans, nous semble maintenant extravagante et ridicule ; en sorte que c’est bien plus la coutume et l’exemple qui nous persuade, qu’aucune connoissance certaine ; et que néanmoins la pluralité des voix n’est pas une preuve qui vaille rien, pour les vérités un peu malaisées à découvrir, à cause qu’il est bien plus vraisemblable qu’un homme seul les ait rencontrées que tout un peuple ; je ne pouvois choisir personne dont les opinions me semblassent devoir être préférées à celles des autres, et je me trouvai comme contraint d’entreprendre moi-même de me conduire.
Mais, comme un homme qui marche seul, et dans les ténèbres, je me résolus d’aller si lentement et d’user de tant de circonspection en toutes choses, que si je n’avançois que fort peu, je me garderois bien au moins de tomber. Même je ne voulus point commencer à rejeter tout-à-fait aucune des opinions qui s’étoient pu glisser autrefois en ma créance sans y avoir été introduites par la raison, que je n’eusse auparavant employé assez de temps à faire le projet de l’ouvrage que j’entreprenois, et à chercher la vraie méthode pour parvenir à la connoissance de toutes les choses dont mon esprit seroit capable.
J’avois un peu étudié, étant plus jeune, entre les parties de la philosophie, à la logique, et, entre les mathématiques, à l’analyse des géomètres et à l’algèbre, trois arts ou sciences qui sembloient devoir contribuer quelque chose à mon dessein. Mais, en les examinant, je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes et la plupart de ses autres instructions servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu’on sait, ou même, comme l’art de Lulle, à parler sans jugement de celles qu’on ignore, qu’à les apprendre ; et bien qu’elle contienne en effet beaucoup de préceptes très vrais et très bons, il y en a toutefois tant d’autres mêlés parmi, qui sont ou nuisibles ou superflus, qu’il est presque aussi malaisé de les en séparer, que de tirer une Diane ou une Minerve hors d’un bloc de marbre qui n’est point encore ébauché. Puis, pour l’analyse des anciens et l’algèbre des modernes, outre qu’elles ne s’étendent qu’à des matières fort abstraites, et qui ne semblent d’aucun usage, la première est toujours si astreinte à la considération des figures, qu’elle ne peut exercer l’entendement sans fatiguer beaucoup l’imagination ; et on s’est tellement assujetti en la dernière à certaines règles et à certains chiffres, qu’on en a fait un art confus et obscur qui embarrasse l’esprit, au lieu d’une science qui le cultive. Ce qui fut cause que je pensai qu’il falloit chercher quelque autre méthode, qui, comprenant les avantages de ces trois, fût exempte de leurs défauts. Et comme la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu’un état est bien mieux réglé lorsque, n’en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées ; ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j’aurois assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer.
Le premier étoit de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenteroit si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute.
Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerois, en autant de parcelles qu’il se pourroit, et qu’il seroit requis pour les mieux résoudre.
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connoître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connoissance des plus composés, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres.
Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.
Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avoient donné occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connoissance des hommes s’entresuivent en même façon, et que, pourvu seulement qu’on s’abstienne d’en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu’on garde toujours l’ordre qu’il faut pour les déduire les unes des autres, il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre. Et je ne fus pas beaucoup en peine de chercher par lesquelles il étoit besoin de commencer : car je savois déjà que c’étoit par les plus simples et les plus aisées à connoître ; et, considérant qu’entre tous ceux qui ont ci-devant recherché la vérité dans les sciences, il n’y a eu que les seuls mathématiciens qui ont pu trouver quelques démonstrations, c’est-à-dire quelques raisons certaines et évidentes, je ne doutois point que ce ne fût par les mêmes qu’ils ont examinées ; bien que je n’en espérasse aucune autre utilité, sinon qu’elles accoutumeroient mon esprit à se repaître de vérites, et ne se contenter point de fausses raisons. Mais je n’eus pas dessein pour cela de tâcher d’apprendre toutes ces sciences particulières qu’on nomme communément mathématiques ; et voyant qu’encore que leurs objets soient différents, elle ne laissent pas de s’accorder toutes, en ce qu’elles n’y considèrent autre chose que les divers rapports ou proportions qui s’y trouvent, je pensai qu’il valoit mieux que j’examinasse seulement ces proportions en général, et sans les supposer que dans les sujets qui serviroient à m’en rendre la connoissance plus aisée, même aussi sans les y astreindre aucunement, afin de les pouvoir d’autant mieux appliquer après à tous les autres auxquels elles conviendroient. Puis, ayant pris garde que pour les connoître j’aurois quelquefois besoin de les considérer chacune en particulier, et quelquefois seulement de les retenir, ou de les comprendre plusieurs ensemble, je pensai que, pour les considérer mieux en particulier, je les devois supposer en des lignes, à cause que je ne trouvois rien de plus simple, ni que je pusse plus distinctement représenter à mon imagination et à mes sens ; mais que, pour les retenir, ou les comprendre plusieurs ensemble, il falloit que je les expliquasse par quelques chiffres les plus courts qu’il seroit possible ; et que, par ce moyen, j’emprunterois tout le meilleur de l’analyse géométrique et de l’algèbre, et corrigerois tous les défauts de l’une par l’autre.
Comme en effet j’ose dire que l’exacte observation de ce peu de préceptes que j’avois choisis me donna telle facilité à démêler toutes les questions auxquelles ces deux sciences s’étendent, qu’en deux ou trois mois que j’employai à les examiner, ayant commencé par les plus simples et plus générales, et chaque vérité que je trouvois étant une règle qui me servoit après à en trouver d’autres, non seulement je vins à bout de plusieurs que j’avois jugées autrefois très difficiles, mais il me sembla aussi vers la fin que je pouvois déterminer, en celles même que j’ignorois, par quels moyens et jusqu’où il étoit possible de les résoudre. En quoi je ne vous paroîtrai peut-être pas être fort vain, si vous considérez que, n’y ayant qu’une vérité de chaque chose, quiconque la trouve en sait autant qu’on en peut savoir ; et que, par exemple, un enfant instruit en l’arithmétique, ayant fait une addition suivant ses règles, se peut assurer d’avoir trouvé, touchant la somme qu’il examinoit, tout ce que l’esprit humain sauroit trouver : car enfin la méthode qui enseigne à suivre le vrai ordre, et à dénombrer exactement toutes les circonstances de ce qu’on cherche, contient tout ce qui donne de la certitude aux règles d’arithmétique.
Mais ce qui me contentoit le plus de cette méthode étoit que par elle j’étois assuré d’user en tout de ma raison, sinon parfaitement, au moins le mieux qui fût en mon pouvoir : outre que je sentois, en la pratiquant, que mon esprit s’accoutumoit peu à peu à concevoir plus nettement et plus distinctement ses objets ; et que, ne l’ayant point assujettie à aucune matière particulière, je me promettois de l’appliquer aussi utilement aux difficultés des autres sciences que j’avois fait à celles de l’algèbre. Non que pour cela j’osasse entreprendre d’abord d’examiner toutes celles qui se présenteroient, car cela même eût été contraire à l’ordre qu’elle prescrit : mais, ayant pris garde que leurs principes devoient tous être empruntés de la philosophie, en laquelle je n’en trouvois point encore de certains, je pensai qu’il falloit avant tout que je tâchasse d’y en établir ; et que, cela étant la chose du monde la plus importante, et où la précipitation et la prévention étoient le plus à craindre, je ne devois point entreprendre d’en venir à bout que je n’eusse atteint un âge bien plus mûr que celui de vingt-trois ans que j’avois alors, et que je n’eusse auparavant employé beaucoup de temps à m’y préparer, tant en déracinant de mon esprit toutes les mauvaises opinions que j’y avois reçues avant ce temps-là, qu’en faisant amas de plusieurs expériences, pour être après la matière de mes raisonnements, et en m’exerçant toujours en la méthode que je m’étois prescrite, afin de m’y affermir de plus en plus.
S'il y a bien un fait que la pensée politique historique a ignoré ou méconnu, c'est que ce qu'elle a appelé, la cité, l'Etat, le pouvoir, l'intérêt général, etc, s'est structuré dans l'Histoire par la présence, l'exploitation, des animaux, des corps des animaux. Et s'il y a une spécifique positivité à la pensée politique du monde actuel, quelles que soient ses éléments, ses contradictions, ses conflits, c'est, dans la prise en compte de ce qui se nomme généralement, "l'écologie", l'environnement, la conscience que toutes les cités humaines se forment dans un détachement de cette matrice matérielle globale tout en dépendant radicalement d'elle, est devenue la conscience humaine, qu'elle soit superficielle ou profonde. Plusieurs milliers d'années après les débuts de l'Histoire humaine, après l'apparition de l'écriture, cette conscience qui se forme et se forge, en raison des nécessités, vitales, économiques et sociales, est donc le témoin de l'extrême lenteur de la conscience humaine, dès lors qu'il faut prendre en compte, assumer, des vérités, douloureuses, voire, insupportables. Un certain comportement humain (qu'il faut se garder d'identifier avec celui DES humains, puisque des peuples, des civilisations, ont récusé les chemins suivis depuis par d'autres) est devenu celui d'un super-prédateur, exploitant tout ce qui est possible, détruisant beaucoup. Ce comportement, comparable à celui d'une machine ou d'un robot, a atteint, avec le développement démographique planétaire, une telle puissance d'effet(s), que les "ressources" sont menacées de disparition, directement ou indirectement. Autrement dit, pour un bénéfice immédiat, la dite conscience est inconsciente, incapable de s'arrêter, et, ici ou là, elle a provoqué la disparition définitive d'une espèce vivante, ex. Entre temps, et ce pendant des siècles, la pensée humaine de cette vitalité terrestre, des animaux, de leur conscience, de ce que sont leurs corps, est elle-même restée superficielle, souvent bloquée par des apories, des dogmes. L'alliance de ces superficialités a donc rendu possible cette convergence vers et pour le pire. C'est la science des maladies qui a établi, il y a peu, que les principales épidémies/pandémies les plus mortelles ont entièrement dépendu de la proximité entre des Humains et des Animaux. Le nouveau Sars-Cov-2 nous assure une "continuité pédagogique" en la matière.
C'est qu'il y a un vrai refus, globalisé, humain, de ne pas, manger des animaux, tuer des animaux, exploiter des animaux - et une certaine politique, économie politique, répondrait même que c'est une nécessité, que la balance entre les désavantages et les avantages pèse du côté de ces derniers. Mais si nous nous entêtons à vivre sur le dos des animaux, dans une proximité aussi importante, des espèces n'y survivront pas, et nous n'y survivrons pas, le jour où un virus mutant particulièrement terrible pour nous nous décimera. Pour la protection des espèces COMME pour la protection de l'espèce humaine, nous recevons une leçon de vie : il faut prendre de la distance avec le monde vivant, pour le laisser être, le laisser vivre, lui permettre ainsi de durer. Parce que, comme nous l'avons déjà dit (notes antérieures), et comme d'autres l'ont aussi déjà dit, nous agissons à l'égard de tant de formes de vie comme ce virus que beaucoup maudissent. Il est un miroir, et ce qu'il montre est monstrueux. Or, étant donné que cette exploitation animale par l'humain est si central dans les éco-nomies, cette mise à distance ne deviendra effective que par une politique qui, à certains, sera imposée, puisqu'ils ne l'accepteront, ni dans son principe, ni dans son fait. Quant à cette mise à distance effective, ce qui s'appelle une nouvelle politique et une nouvelle économie, leur conception et leur mise en place seront complexes, difficiles.
Depuis deux décennies, les chaînes de télévision ont multiplié la production et la diffusion de séries télévisuelles centrées sur des métiers de la vigilance et de l'intervention concernant l'état et la santé des citoyens, des corps. Par exemple, nous avons assisté au glissement du principe de la série télévisuelle, l'enquête, menée, classiquement, par des détectives ou des policiers, vers des agents, maîtrisant diverses techniques, appelés avec exagération, "scientifiques", mais faisant appel à des connaissances scientifiques. Dans ce rapport entre la vie et la mort, des individus, des individus vivants à l'égard de celles et ceux qui perdent la vie, les professionnels des hôpitaux étaient, sont, des figures nécessaires. On sait que des séries, comme l'actuelle et déjà ancienne "Grey's Anatomy", ont connu un succès durable, avec des "saisons", des personnages permanents, des intrigues qui associent les sentiments de ces personnels avec leurs activités, leurs réussites, leurs échecs. Des actrices, des acteurs, de ces séries sont devenus des "stars" mondiales, comme Ellen Pompeo. Cette "starification" des actrices et acteurs est un phénomène général. Mais voilà : un virus mondialisé démontre, le plus simplement du monde, que ces actrices et acteurs imitent les véritables "performeurs", les infirmières, les chirurgiens, l'ensemble de celles et ceux qui maîtrisent une spécialisation, quelle qu'elle soit (les agents de la propreté assurant une activité fondamentale pour le bien de tous). Cette situation illustre parfaitement ce qu'exprime l'analyse, critique, platonicienne, de la "mimesis", et notamment d'une certaine "mimesis" artistique. Cette analyse, critique, devient limpide : les acteurs qui interprètent des professionnels de ces soins et interventions sur les corps des citoyens, les imitent. Ils ne sont pas ces mêmes professionnels. L'imitation a du sens (beaucoup), mais le plus important réside dans le modèle (l'activité). Platon constate que, logiquement, sérieusement, il n'est pas possible de préférer la copie au modèle. Mais, si un certain type d'Art prend une importance, et ce en liaison avec l'état d'une "cité", cette préférence pour la copie sur le modèle peut se manifester et se solidifier. Mais lorsque le sérieux de la vie intervient, la copie s'efface devant le modèle. Contrairement à un mythe politique moderne, le travail ne disparaît pas et ne devient pas secondaire. Actuellement, l'ensemble des confinés peuvent l'être parce que d'autres travaillent. Ils sont des millions. S'ils méritent, maintenant et après, des applaudissements, il faudra voir si le monde d'après acceptera de revoir l'échelle des - valeurs, salaires. Pour cela, il faudrait que l'activité d'autres médecins soit à l'ordre du jour, effective, perceptible, entendue. Not wait and see.
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